Bilan de la premiere partie


Thailande - Bangkok - 20/03/2004

Les impressions des 3 velos sur les 2 premiers mois de voyage.

*Chacha *

Voila donc deja 2 mois que nous nous balladons joyeusement et nous vivons cette experience a fond : j'ai donc parfois du mal a realiser que nous sommes en train de pedaler dans des pays qui, il n'y a encore pas si longtemps, n'etaient pour moi qu'une evocation de noms ou un petit point sur la mappemonde... La coupure du 11 janvier a en effet ete assez brutale pour moi car je n'ai termine mes etudes que quelques heures avant le depart (ouf, j'ai appris en mars que j'etais diplome) et les derniers jours furent pour le moins bien remplis et les adieux parfois poignants (merci encore a tous ceux qui etaient la au Trocadero).
Depuis ce jour donc les souvenirs, les rencontres avec les populations, les discussions avec Fred et Matthieu se sont accumules et pour etre franc c'est du bonheur a 100%. Bon d'accord 99% parce que sinon on ne se rend meme plus compte de notre chance.

En France et en Angleterre j'etais plutot en pays connus et la vie materielle a donc ete tres facile. Les maires des communes traversees nous ont tous bien accueillis et notre etape londonienne s'est deroulee sous un toit ami tres convivial. Pour les courses, la carte et la langue c'est pareil, on se sentait encore a l'aise... Puis vint l'Inde. Ce pays deroutant que j'avais decouvert l'annee derniere m'a une nouvelle fois emballe : il ne faut pas y aller en pensant visiter un pays de plus. Tous les reperes du touriste ou de l'occidental sont remis en question et c'est un peu perturbant au debut. La circulation demente, la lenteur parfois record des administrations, la salete des rues a laquelle on s'habitue finalement assez vite (alors que les Indiens sont toujours nickel je trouve) ou le simple fait de manger avec ses mains sont autant d'elements qui conjugues ensemble ne peuvent laisser indifferent. Et puis le sourire et l'accueil toujours sympa des Indiens, meme si ils sont (trop ?) curieux, j'adore. Meme une petite tourista n'a pas reussi a me gacher completement la fin de mon sejour. Quant au Nepal je ne reviendrai pas dessus, nos news etaient surement deja dithyrambiques et je ne garde que des bons souvenirs de ce pays, plus touristique et dont les populations sont donc habituees a voir des touristes, meme a velo. Pour l'itineraire c'etait donc OK.

Pour la vie a trois, ces premieres semaines furent evidemment une sorte de test. Apres tout on peut etre les meilleurs amis du monde et avoir du mal a supporter les petites manies ou sautes d'humeur des uns et des autres... Mais la encore tout va bien. Chacun se decouvre un peu plus au fil des jours, les discussions vont bon train (de la plus potache a la plus existentielle) et les delires aussi. Je pense qu'au bout de deux mois le groupe a trouve une sorte d'equilibre qui va nous permettre a tous les trois de profiter a fond de la suite. Nous n'oublions pas de nous reserver de petits moments persos, surtout dans les villes, et on se remonte le moral lors des (rares) coups de blues.

Et le 1% de problemes alors il est ou ? Je dirais que le seul point noir de cette premiere partie fut de nous rendre compte que nous ne pouvions pas nous servir de notre panneau solaire. Meme avec deux ingenieurs dans l'equipe ? Eh oui, la technologie est pleine de mysteres... et ce n'est pas faute d'avoir fait des tests. Plus de nouvelles dans quelques semaines mais cet incident ne nous aura neanmoins que tres peu genes.
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Cette premiere etape fut donc pour moi celle de la mise en route, du "rodage" de ce tour du monde et des premieres decouvertes. Cette deuxieme partie qui debute sera donc differente maintenant que je suis bien "dedans" mais je suis sur qu'elle sera aussi passionnante et surprenante.



* Chouchou *

Que de choses vecues en un peu plus de 2 mois... Apres les separations difficiles du depart, nous avons pris nos marques progressivement. En France et en Angleterre, le plus embetant etait le froid. Mais on s'en est bien sortis, dormant bien au chaud dans des salles municipales ou chez des amis.

Et puis, l'Inde... Vous aurez surement compris, ce n'est pas mon pays prefere. Les Indiens sont gentils, peut-etre trop, et leur curiosite faisait que nous n'etions jamais tranquilles. Tu sais que si tu veux descendre de ton velo pour mager un biscuit a la noix de coco, pour pisser, pour te poser, et bien tu auras tres vite de nouveaux "amis". Cela dit, je garde d'excellents souvenirs du Taj Mahal (le palais merveilleux), de Benares (cette ville a une ame), et de Calcutta (pour l'ambiance). Et moins de Delhi (ville trop impersonnelle, ce qui n'enleve rien a l'accueil merveilleux de Shyam), d'Agra (ville pourrie par le tourisme), de la maladie (se lever 5 fois dans la nuit en esperant atteindre les toilettes qui sont a l'autre bout de l'ecole dans laquelle on dort, avant qu'il ne soit trop tard), de Darjeeling (c'est surtout que j'en attendais trop). Pour le bordel ambiant, a part les klaxons de camions qui me bousillaient les oreilles, la salete et cette vie grouillante ne m'ont pas specialement derange.

Quant au Nepal, j'ai adore. Les Nepalais y sont pour beaucoup : ils ont l'amabilite des Indiens sans la lourdeur. Et puis ces gosses... Toujours souriants, ca met de bonne humeur ! On y trouve peu de civilisation, mais plus qu'en Inde (des nouilles et des oeufs, ca suffit pour faire son propre repas). Pour les paysages, les cultures en terrasse, rivieres et montagnes mettent KO les plaines plates (c'est la seule caracteristique que je trouve) de l'Inde. Le trek, eprouvant physiquement, restera un excellent souvenir. Pokhara n'a pas trop d'interet, mais Katmandou est une ville tres sympa. En tout cas, le Nepal est un pays ou il faut voyager a velo : pour pouvoir profiter des paysages a vitesse reduite et rencontrer ces habitants si sympas. Voila pour la geographie...

Et humainement ? Et bien je trouve que le groupe se porte bien, quasiment aucune dispute a signaler en 2 mois bien que nous ne nous soyons pas quitte plus de 6 heures, hormis lors de l'escapade de Fred. C'est vrai que l'envie d'independance revient parfois, alors pourquoi ne pas penser a renouveler l'experience dans le futur ?



* Fred *

La France, l'Angleterre: une mise en jambe, un rodage des hommes et des velos. De la randonnee classique avec un horizon plus vaste qui lui donne un parfum d'aventure...mais une separation difficile avec tous les gens qu'on aime et qu'on ne reverra pas avant longtemps.

L'Inde : depaysant, dur, passionnant, eprouvant, pays de tous les paradoxes qui fatigue et qui fascine. C'est l'antithese de tout le formatage que nous impose notre societe occidentale si organisee, si rationnelle.
Des l'arrivee en Inde, tous les sens perdent leurs reperes. Le bruit est omnipresent, les odeurs (souvent nauseabondes) multiples, la foule partout, l'atmosphere etouffante. Les conditions d'hygiene, la salete et la poussiere sont difficile a accepter. Mais ces quelques "details" digeres, le plus dur est l'immersion dans une culture si differente.
Les Indiens semblent incapables de prevoir. Des milliers d'exemples de la vie quotidienne tendent a le prouver. Comportement systematique des serveurs au restaurant : ils viennent prendre votre commande, vous ecoutent religieusement et ponctuent le tout d'un "no problem". 10 minutes plus tard, les voila de retour, cette fois-ci avec du papier et un crayon, ils n'ont bien evidemment pas pu retenir la commande. Sur la route : un camion arrive en face suivi de pres par un confrere qui cherche a le doubler, un autre camion arrive derriere moi. Jamais ils n'attendront les 10 secondes necessaires pour que tout se passe dans de bonnes conditions. Il y a quelqu'un devant, je deboite. "A oui il peut y avoir des gens en face ? On verra bien..."
On ne peut s'empecher de se revolter devant ces Indiens qui, justement, en sont incapables. C'est leur force et leur faiblesse. S'enerver contre un Indien ne provoquera chez lui qu'un leger sourire amuse, une incomprehension, "mais pourquoi gesticule-t-il ainsi ?" Mais c'est aussi ce qui les empechera de sortir de leur condition souvent miserable. "C'est comme ca, je suis ne ici, j'appartiens a cette caste, dans ce village miserable, c'est ma vie." Combien de fois me suis-je dis "mais que fait-il ? son boulot est completement vain, ca ne sert a rien", et pourtant il le fait, inlassablement, toute la journee. Ces hommes accroupis a l'indienne qui balaient devant leur porte, sur le bord de la route. Chaque camion qui passe redepose autant de poussiere qu'il n'en enleve. Et il y a un camion toutes les 10 secondes...
On a parfois envie de les secouer "reveille-toi, bats-toi !! Tu peux ameliorer ta condition". Le premier reflexe est bien sur d'analyser et de juger ces gens avec notre systeme de pensees. Mais de quel droit ? Seraient-ils plus heureux avec notre echelle de valeur occidentale ? Ont-ils envie d'ouvrir les yeux et de sortir de leur "caverne" ? de renier leur systeme de croyance religieuse qui modifie tant leur perception du monde qui les entourent ?

Arriver au Nepal en sortant d'Inde facilite grandement les choses. C'est loin d'etre un pays developpe, et pourtant quel "bond en avant" passé la frontiere. Deja adapte aux conditions materielles difficiles, on peut apprecier pleinement cet endroit merveilleux. Les sourires de ces enfants crasseux resteront longtemps dans ma memoire. Les routes sont le paradis des cyclistes: des paysages a couper le souffle, une circulation des plus minimes (surtout les jours de greve...) et des lacets serpentant a travers la montagne qui les rendent tres "amusantes". Les gens sont simples, ouverts, courageux, francs, sans etre trop envahissants comme les Indiens.
Le retour en Inde est alors penible, surtout seul. Il ne fait que confirmer les premiers sentiments que j'avais eus.

Un aeroport, 2 heures d'avion, et un nouvel aeroport, climatisé celui-ci, c'est un nouveau pays. Pendant les premiers tour de roues dans Bangkok, j'ai eu l'impression de ressentir un peu la meme chose que les gens qui s'exilent en Europe ou en Amerique. C'est l'Eldorado. Il y a de la nourriture partout, qu'on peut manger sans craindre d'etre malade comme un chien. Tout est propre, la poussiere est figee par le beton qui recouvre la ville. La seule odeur desagreable est celle des pots d'echappement, les klaxons sont rares, les voitures filent sans bruit. On renoue avec la civilisation et on se rend compte alors a quel point on s'en etait eloigne. Alors on deguste, on mange, on se lave, on profite de draps blancs et moelleux. On redecouvre le plaisir de tous ces gestes quotidiens et on mesure mieux notre chance de petit occidental.



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