La route des rencontres mais surtout... de la glande


Argentine - Salta - 8/08/2004

Pendant que Chacha bullait avec ses parents puis sa copine, nous l'avons inconsciemment imite. Le trajet a velo que nous avions planifie etait court, et heureusement, car les rencontres furent nombreuses. Du desert froid et de la foret humide, en passant par le musee de la police (et du cadavre), pour terminer a Salta dans un hotel ou se sent comme chez soi.

Le point
Quinze jours de vacances avec ma famille au Perou, et il etait deja temps de reprendre la bicyclette. Cha s'etait a son tour echappe dans un bus pour rejoindre ses proches a Buenos Aires. Et Fred m'attendait a La Paz, escaladant un petit sommet quand l'envie lui prenait.

On se casse
Fred et moi quittons La Paz le 27 juillet, en bus tout d'abord. A Oruro, trois heures plus tard, nous prenons un confortable train qui a pour destination Villazon, la ville-frontiere avec l'Argentine. La television du wagon nous diffuse deux films qui se terminent par "2" : "Spiderman 2" et "Mission Impossible 2". Le lendemain matin, nous arrivons a Villazon. Nous quittons la Bolivie, et entrons en Argentine, pays plus riche (ou moins pauvre, question de point de vue). Pour preuve, ces Boliviens qui traversent la frontiere en portant sur leur dos des marchandises venues de camions, decharges dans le pays voisin. Et on a le plaisir de voir dans les rues moult voitures francaises du bon vieux temps : Peugeot 504 a gogo, Renault 12 et Renault 18 en veux-tu en voila.

En selle !
Desormais, nous roulons. En tete, l'objectif, Salta, a 400 km au Sud. 400 km a eclater en une dizaine de jours, cela semble etre un rythme genereux en pauses et en temps libre. Tant mieux, ca changera des "on est a la bourre", des "tiens, on va pas atteindre les 80 km aujourd'hui", des "tant pis, on va prendre un bus". Rien de tout ca cette fois. Et par-dessus tout, les conditions sont avec nous. Le goudron est un petit bonheur, et sur notre parcours, nous allons passer progressivement de 3500m a 1200m d'altitude, garantissant une pente avec une inclinaison moyenne favorable a un effort diminue (juste des mots compliques pour dire que ca va descendre severe !).
Les premiers paysages sont un copie-colle de l'altiplano bolivien. Il parait qu'un poete perspicace et anonyme aurait intitule le lieu l'"altiplano argentin". Simple rumeur. Les petits buissons cotoient d'autres petits buissons sur une etendue plate et pas franchement excitante a part pour les petits-buissons-philes que nous ne sommes pas encore. Mais, oh surprise, une premiere rencontre viendra rompre la succession de petits buissons.

Les clowns
Un homme, une femme et deux chiens sur le bord de la route (tous vivants, je precise). Un bonjour qui repond a un autre bonjour, et dans un lieu comme celui-ci, la conversation s'engage naturellement. Nous avons affaire a des phenomenes. Lui est francais, elle espagnole, ils sont clowns, et menent la vie de boheme par excellence. Cela fait 10 mois qu'ils ont lache l'Europe, voguant en Amerique du Sud et vivant de leur petit spectacle. Ils nous racontent qu'ils ont perdu la carte bleue. Donc ce matin, afin de recolter les quelques pesos argentins qui paieront l'hotel, ils ont joue leur numero dans le village, avec le chien. Une vie fascinante, a des annees-lumieres de la notre, d'autant plus etonnante qu'elle est conduite par des gens eleves dans notre culture !

Tranquille
Les sportifs qualifieraient notre rythme de pourri, les paresseux d'agreable. Pendant 5 jours, on tournera autour des 40-50 km quotidiens. Les raisons : nos rencontres (lire la suite), notre manie de faire du feu tous les soirs et tous les matins pour se rechauffer et faire la cuisine (et parce qu'on aime ca, le feu), des reveils plus tardifs que le lever du soleil, et des fins de pedalage anterieures a son coucher. Oui, on vit avec le soleil. D'ailleurs on s'est rendus compte au bout de 2 jours qu'on n'avait pas mis nos montres a l'heure de l'Argentine. Mais serieusement, a quoi pourraient bien nous servir nos montres dans des moments pareils, a part a constater avec effroi que ca fait plus de 2 heures qu'on est en train de discuter ?
Et puis, il fait froid, mechamment froid. Peut-etre autant, voire plus, que les nuits sous la tente passees a 4000m en Bolivie. Un collant, 2 T-shirts, une veste polaire, un bonnet, un sac a viande, un duvet "-9?C" ferme a bloc, une tente chauffee par un homme de Cro-Magnon et je me les suis quand meme caillees. Mais mon tapis de sol auto-gonflable qui s'est creve dans la nuit ne m'a pas aide a me rechauffer.

Rencontre sur rencontre
C'est dans le village d'Humahuaca, le 31 juillet que l'on retrouve un souffle de civilisation. On se paie un petit resto, pour gouter les fameux steaks argentins, dont la reputation est belle et bien fondee. C'est aussi la que nous croiserons Bruno et Christine, couple de cyclistes bretons, et avec qui nous flinguerons gentiment l'apres-midi a papotter. Tant pis pour Internet, on ira un autre jour...
Desormais, nous allons suivre la vallee du Rio Grande. La vegetation evolue vers des arbres a epines, des cactus. D'ou plus de bois et encore plus de feu ! Mais notre progression est ralentie a nouveau le lendemain. On apercoit la silhouette de velos avec sacoches au loin, donc forcement, on s'arrete. Et sur qui on tombe ? Denis et Mathieu, deux Francais a tandem. Il est midi, on a fait 13 bornes en 38 minutes, mais c'est pas grave. On passe quelques heures a echanger des anecdotes de route, a faire des essais du tandem, a gueuler sur le mauvais materiel ou a encenser le bon, jusqu'a ce qu'on decide raisonnablement de casser la croute du sandwich ensemble.
Le tandem, c'est bien. La vitesse de croisiere depasse celle du velo, mais l'engin possede aussi son lot d'inconvenients : plus difficile a manoeuvrer, plus fragile (2 fois plus de force pour le meme materiel), et y a carrement interet a s?entendre parfaitement avec son collegue...
Il est 16h, et le nombre de kilometres se doit de grimper. Mais... Soudain, nous sommes interpelles par la fenetre d'une voiture. C'est Marie (la copine de Chacha), accompagnee de ses parents, qui se ballade dans le coin avant d'aller retrouver notre Chacha. On bavarde rapidement, le temps d'echanger quelques nouvelles, et on conclura la journee avec 44 km.

Pour sauver l'honneur
2 aout : Ca descend, nous avons le vent dans le dos, et nous sommes decides a arreter les rencontres jusqu'aux prochaines. On flirtera avec les 80 km/h, modeste vitesse par rapport a notre record. Nous allons achever 84 km a 24 km/h de moyenne, c'est a dire plus vite qu'un lievre a 3 pattes (si, ca existe). On arrive a Jujuy, ville de plus de 100000 habitants. Le contraste avec les premiers jours est choquant : les maisons de briques en torchis laissent place a de jolies villas, parfois avec piscine. On trouve des supermarches, alors qu'il y a quelques jours le seul commerce etait l'epicerie du village. Pourtant, nous sommes toujours dans la meme region du meme pays.

Jujuy
Nous nous accorderons une journee de pause a Jujuy, pendant laquelle nous pourrons observer le surprenant rythme de vie des Argentins. Ici, les magasins ouvrent le matin, ferment de midi a 17h, et puis rouvrent jusqu?a 22h. Les gens semblent vivre le matin et le soir, restant au calme l'apres-midi.
Mais l'evenement a Jujuy, c'est notre visite du musee de la Police. Decrit dans le Guide du Routard comme un musee "a la gloire de la connerie, du bon droit et de la repression", nous ne pouvions pas l'eviter. Alors, ca donne quoi ? Quelques deguisements de police, leurs armes, mais le plus interessant est incontestablement la salle du haut. Outre des echantillons de drogue, on y decouvre des bocaux contenant des foetus humains. Explication : l'avortement etant illegal en Argentine (comme dans de nombreux pays), le musee montre les prises de la police. Et comme nous restions sur notre faim, nous avons le loisir d'observer une oreille humaine dans un bocal, autre belle trouvaille de la police. Ce n'est qu'apres avoir vu des photos d'accidents, de suicides, de pendaisons, d'infanticides ou de "restes humains anonymes" que nous serons rassasies. C'est du 100% cadavre, 100% boucherie, 100% gerbos. Et c'est (malheureusement) le travail de la police, quel que soit le pays.

La fin
Nous avons 2 jours de velo pour rejoindre Salta. Nous prenons la "petite route", la plus jolie, qui serpente dans la foret, et au traffic reduit. Le paysage a bien change depuis quelques jours. Le soleil est cache par une epaisse couche de nuages gris. Nous voila maintenant au milieu d'arbres qui evoquent la savane africaine. Puis les arbres se couvrent de lianes, et autres vegetaux. La foret est humide, ca change du froid sec et ensolleille. Nous arrivons a Salta le 5 aout au soir. Nous nous installons dans un petit hotel a l'ambiance festive tres "Erasmus" (dortoirs, petit dejeuner autour d'une grande table, cuisine et salles communes), avec le confort d'internet et de la television en libre-service. L'hotel etant cite dans le plus celebre des guides de voyages francais, on y rencontre d'avantage de compatriotes que d'etrangers.
Apercu de la bonne humeur de ce lieu : Le premier soir, Fred me dit qu'il veut se coucher tot, je le laisse pour aller sur internet. Je reviens a 1h du matin, pensant trouver un hotel ronflant. En fait, je trouve mon camarade discutant, riant, buvant, sur un fond de musique. On se couchera a 4h30...
Il nous restera quelques jours, que nous utiliserons a ecrire cette news, a reparer le materiel defaillant, et s'occuper d'autres petites choses materielles dont nous ne pouvons nous occuper sur un velo.

La suite
Alors que Chacha a deja retrouve Marie, Fred va voir sa famille puis Solenn dans quelques jours. Quant a moi je vais rejoindre Helene a Sao Paulo (au Bresil), au terme d'une cinquantaine d'heures de bus. Les 3 Velos se retrouveront apres cette pause estivale a Sao Paulo debut septembre. Nous aurons alors une invitee, Eleonore, avec qui nous pedalerons jusqu'a Rio de Janeiro.

CHOUCHOU pour les 3 Velos



Voir la galerie de photos

Voir les videos

Retour ŕ la page News & Photos